Les activités ludiques, c’est partout, tout le temps !
Bordée par la forêt, l’école acadienne de Pomquet souhaite faciliter et promouvoir l’apprentissage en plein air. Pour l’année 2022-2023, l’objectif principal est de développer des espaces agréables pour le partage de savoirs et d’expériences. L’équipe scolaire et les élèves souhaitent également soutenir la biodiversité des environs, en prévention des changements climatiques et pour la préservation des espèces déjà présentes, notamment en créant un étang ou en plantant des arbres.
Christian Demers travaille depuis 25 ans à l’école acadienne de Pomquet, il y enseigne l’éducation physique, le développement personnel et social les technologies neuves et le civisme. Dans cet entretien, il nous raconte comment une approche pédagogique alternative et ludique permet de tisser des liens entre les jeunes et la communauté.
Racontez-nous, quelles activités ludiques occupent vos élèves en ce moment ?
En fait, notre projet ludique est continu, il se passe toujours quelque chose ! Hier, on est allé en forêt installer les cabanes pour oiseaux que les élèves ont construites. Ce matin, d’autres ont terminé la fabrication des décors pour la pièce de théâtre des 6e années. D’ailleurs, on réutilisera les retailles de bois pour alimenter les feux du club de cuisine.
Quels effets observez-vous sur vos élèves ?
Je vois surtout de l’engagement parce que les élèves choisissent les tâches qu’ils veulent faire. Ils développent aussi une grande maturité, ils sont responsables.
Comment s’organisent ces activités ?
La planification de ces activités est très spontanée, parfois faite dans les couloirs, sul’fly ! Notre focus est sur l’action. Hier, une collègue m’apprenait qu’elle avait reçu du financement pour une activité de perlage pour travailler sur la culture traditionnelle autochtone dans le cadre du cours de français. Quand elle m’a dit ça, j’ai contacté la directrice de l’école de Whycocomagh pour créer des liens. Avant la fin de la journée, tout était confirmé : nous allons contribuer avec le financement du matériel et l’école apportera son savoir-faire, et ensemble, les deux classes de 9e année participeront à l’atelier de perlage.
Certain.es pourraient se poser la question: mais alors, quand est-ce que travaillent vos élèves ?
Au fil des années, les 9e deviennent des leaders. Ils apprennent à savoir-être et à savoir-vire, ils passent beaucoup de temps à enseigner aux plus jeunes, ils créent un legs, et c’est pour ça que chaque année on a un projet de plus grande envegure que les autres, les 9e ont par exemple construit un pont. Parmi les résultats d’apprentissages dans la fabrication d’un pont, on parle d’étudier la structure du pont; beaucoup d’autres écoles utilisent ces résultats pour faire des ponts en bâtons de popsicle… Nous, on construit un pont qui suit les codes de construction, on va pouvoir passer avec une classe au complet dessus ! Donc au final ils apprennent beaucoup plus, et ils seront capables de construire d’autres choses à la maison.
D’après vous, les activités ludiques peuvent-elles changer le rapport des élèves au français ou à la communauté francophone ?
Oui parce qu’on est dans des situations où on a du plaisir en français, on évite que le français soit une langue de travail. Évidemment je fais beaucoup de rappel de langue, mais on va se retrouver dans des situations où les élèves sont obligé.es de communiquer pour pouvoir travailler ensemble. Pis chaque activité a un vocabulaire spécifique qui lui est propre.
Pensez-vous que cette vie sociale de l’école, où l’on coopère beaucoup, influence la relation entre les élèves et les adultes ?
Oui et c’est crucial, ça se construit avec les années. Entre la 6e et la 9e années, il faut vraiment que tu développes en maturité parce que je te mets des outils dans les mains… Alors il y a une confiance et un respect mutuel, entre les élèves à travers les projets, mais aussi avec nous. On envoie des élèves avec des couteaux pis des haches dans le bois pour faire des feux, pis on a aucune inquiétude ! (rires) Mais on comprend que c’est une culture qui a été établie, ils ont grandi avec ça… ils côtoient des feux depuis la maternelle, ils ont été enseignés et certifiés à l’utilisation des outils, ils comprennent les dangers, ils savent qu’il n’y a pas de folies à faire !
En dehors du curriculum, de quelle manière abordez-vous et intégrez-vous les perspectives autochtones aux apprentissages et aux expériences des élèves ?
La clé c’est Netukulimk, c’est un mot mi’kmaw pour dire « respect, responsabilité, réciprocité et lien avec les autres ». Ce sont des valeurs qui rejoignent mon cours de civisme, le respect envers soi-même, les autres, mais aussi l’environnement. Tout ce qui vit a un droit égal à être sur cette planète, et on a une responsabilité de s’assurer que cela est respecté. Et tout ça, parce qu’on le vit à l’école, on s’est rapproché.e de la culture autochtone. On travaille aussi à être des allié.es, alors on coopère souvent avec les écoles et les membres des communautés autochtones pour les activités et les projets de nos élèves.
Alison Cattani-Nardelli est diplômée de l’Université d’Ottawa, elle y a étudié les lettres françaises et l’entrepreneuriat avant de compléter une maîtrise ès. arts en Éducation. Dans le cadre de sa thèse, elle a eu l’occasion d’étudier les pédagogies alternatives et leurs effets en contexte social défavorisé. Pendant deux ans, elle a contribué à des projets de recherche portant sur le mouvement bricoleur (Maker) et l’équité numérique en Ontario, dirigés par Megan Cotnam-Kappel et Michelle Schira Hagerman, et participé à la rédaction d’un guide sur l’apprentissage à distance pour les élèves ayant des besoins particuliers pour le Ministère de l’Éducation de l’Ontario.